samedi 15 février 2014

"Le Penseur" et les horlogers


Rodin et la posture des horlogers


Les objets du quotidien nous accompagnent dans nos attitudes ; Une œillade au dessus de ses lunettes pour séduire, une remontée de manche afin de voir l’heure sur sa montre et montrer que l’on est pressé, sont des gestes et des conduites de la vie courante. La répétition de ces mouvements les fait entrer dans nos habitudes sans que l’on s’en rende compte. Qui n’a pas tapoté inutilement sur l’écran de son ordinateur juste après avoir utilisé sa tablette ? Parfois ces attitudes pratiques rencontrent l’esthétique de l’Art ...



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lundi 25 novembre 2013

Luxe et Patrimoine historique


Les marques : patrimoine en danger ?


Le patrimoine est l’héritage commun de nos sociétés transmis aux générations futures. Les marques font partie de cet héritage. Aujourd’hui elles génèrent des recettes extraordinaires en séduisant les populations privilégiées du monde entier. Mais quelle est la motivation de ces acheteurs ? Qu’est-ce qui séduit tant dans ces grands noms du luxe ? Et quel est leur avenir dans un monde où l’expression « rentabilité financière » est presque la seule règle ?

Le luxe et ses marques font partie du patrimoine immatériel, suisse, français, italien, anglais, allemand, russe …  Dans une plus large mesure, ce patrimoine est européen. Paris, Londres, Milan, Genève, Anvers, Saint Petersburg … sont tant de capitales de la mode, de la bijouterie et de l’orfèvrerie qui ont vu naître ou exercer les plus grands, tels que Louis Cartier, Coco Chanel, Guiccio Gucci, Alfred Dunhill, Karl Fabergé, Abraham Louis Breguet, Hans Wilsdorf, Antoine Norbert de Patek et Jean Adrien Philippe et tant d’autres encore.
Depuis l’invention du tourisme, le vieux continent a toujours été une destination aimée par les classes privilégiées du monde entier. En effet l’Europe est la détentrice d’un art de vivre et du bon goût développés par sa vielle aristocratie et les premiers grands bourgeois et consommés aujourd’hui par les élites du monde entier. Force est de constater que c’est une partie d’Europe que l’on achète lorsque l’on jette son dévolu sur un produit de luxe.
(cf : petite histoire du luxe et des marques)

Si le tumulte des temps a permis à ces grands noms du luxe d’exister de nos jours sous la forme de marques, nous sommes en droit de nous demander si ces marques existeront toujours dans le futur et si elles seront toujours les ambassadrices de nos nations européennes ainsi qu’une manne financière importante pour nos économies.
Ces dernières années, le luxe n’a pas échappé aux lois de la mondialisation. Nombre de maisons prestigieuses ont été achetées par les différents acteurs du marché du luxe. Si bien que l’on ne distingue plus que quelques entités sur le marché du haut de gamme dont le groupe français LVMH, le groupe suisso-afrikaner Richemont, et le suisse Swatch group. Le but ultime de ces entités est le monopole du luxe. Dans cette bataille nous distinguons deux écoles de pensée qui s’affrontent. L’une suisse, soutenue par la famille Hayek et par toutes les marques encore familiales et indépendantes telles que Patek Philippe, Audemars Piguet, Hermès et Chanel. Et l’autre française, ou plutôt apparentée au monde le la finance et dirigée par le numéro 1 du luxe dans le monde, Monsieur Bernard Arnault et suivi par d’autre tel que François Pinault du Groupe PPR par exemple.

Le premier courant de pensée, appliqué dans les entreprises familiales et celles des deux premiers groupes, consiste à vendre des produits de luxe très haut de gamme. Par définition ces produits regroupent plusieurs caractéristiques : ils doivent être des produits d’une qualité irréprochable en même temps qu’ils sont des ambassadeurs d’un savoir-faire artisanal et ancestral et enfin ils doivent permettre l’accès à un univers et une histoire authentique. Voilà qui explique la prolifération des musées de marque ainsi que la naissance de la notion de terroir industriel reconnu par l’UNESCO récemment, avec l’inscription des métropoles horlogères du Locle et de la Chaux-de-Fonds au patrimoine mondial.



L'univers des publicités du luxe fait toujours appel à un imaginaire historique européen (actrice française, Paris, tour Eiffel, planeur des frères Wright, touche exotique du colonialiste, intérieur d'hôtel particulier ...)

Le second courant de pensée a pour but de faire des marques, des entités totalement autonomes qui se suffisent à elles-mêmes. Ainsi les musées de ces marques se retrouvent vidés de leur contenu historique, préférant mettre en valeur des œuvres d’art contemporaines. Ce travail permet une association douteuse et combattue dans tous les milieux de l’éducation et de la culture. L'affiliation de l’Art Contemporain et du luxe, accapare cette forme d’Art en laissant penser qu’elle est réservée aux élites. De plus, cette association permet de faire diversion et de déraciner les marques de leur territoire. Qui connaît encore l’histoire du layetier jurassien Louis Vuitton qui faisait ces petits meubles à tiroir pour les horlogers ? Le projet de musée Vuitton, magnifique chef d’œuvre contemporain de l’architecte Frank Gehry, racontera-t-il cette histoire ? L’histoire étant par nécessité attachée à un territoire, lorsqu’elle est absente ou arrangée, permet de placer un musée aussi bien dans le Jura, qu’à Paris ou à Pékin. Et avec lui, les ateliers de productions si cela n’est pas déjà fait ! Dans cette logique il est effrayant de constater que le musée Gucci à Florence, malgré une scénographie remarquable, est totalement vide de sens. Tout juste bon à impressionner les « pin-up » qui ne seront pas effrayées par le mot « museo » car « Gucci » y est accolé. A la boutique, demandez où est la fabrique Gucci et personne ne saura vous répondre. On vous proposera plutôt de venir voir les belles montres à quartz Gucci "fabriquées en Suisse" évidement. On constate que ce courant de pensée consiste à vendre des produits griffés de qualité moyenne en les faisant passer pour des produits de luxe. Le produit n’a plus aucune importance du moment que le nom y est.
Très dangereuse pour l’industrie européenne du luxe, affranchie de son histoire, cette école de pensée permet aux marques de se délocaliser n’importe où dans le monde et bien sûr en priorité là où les bénéfices et la rentabilité seront maximums.
Chacun des secteurs du luxe applique l’une ou l’autre de ces écoles de pensée si bien que la maroquinerie et la mode tendent à suivre la logique uniquement financière alors que l’horlogerie et la bijouterie restent porteuses d’authenticité et de savoir-faire ancestraux.

Bien que quelques maisons encore indépendantes montrent clairement leur volonté de le rester et se portent garantes de l’authenticité des savoir-faire et des produits véritablement haut de gamme, la logique du premier groupe mondial de luxe est inquiétante pour tout un secteur et toute une économie. Swatch group faisant encore la loi en horlogerie, suivi de prêt par Richemont, l’horlogerie suisse n’a pas de souci immédiat à se faire. Mais qu’en sera-t-il lorsque les derniers remparts des indépendants auront cédé ? Le secteur du luxe horloger se porte merveilleusement bien ces derniers temps. Mais ne serait-ce pas le calme avant la tempête ? A nous d’en avoir conscience, de préparer le futur en conséquence et de nous battre pour notre patrimoine, notre histoire et nos marques.

Petite histoire du luxe et naissance des marques :

Le luxe est au centre des débats sociaux depuis le XVIème siècle. Il est entre autre, une des origines de la Réforme religieuse. Le débat se poursuivra pendant toute l’époque moderne. Rousseau et Voltaire s’opposaient ainsi largement sur le sujet. Alors que pour le genevois le luxe est un obstacle à la vertu humaine, le parisien le voit comme un moteur pour l’économie et l’innovation. Dans cette fin de XVIIIème siècle, le luxe n’est ni plus ni moins une affaire d’artisans d’art au service de l’aristocratie et des quelques familles régentes d’Europe. Au XIXème siècle le Révolution Industrielle permet le développement d’une nouvelle élite sociale, la bourgeoisie. Pour satisfaire une demande plus forte, les artisans d’art vont s’organiser en « maison ». Enfin les noms des artisans morts depuis plusieurs générations, deviennent des marques dans la première moitié du XXème siècle, poussées par la frénésie des consommateurs de masse suite aux privations des guerres mondiales et accrues par le développement de l’automobile. Ces marques sont toujours détenues par les héritiers du nom pour la plupart. Ainsi la naissance des marques est relativement tardive et est un fait totalement nouveau dans l’histoire beaucoup plus ancienne du luxe. Enfin les bouleversements économiques de la fin du XXème siècle, font place à un phénomène nouveau avec l’apparition des groupes dans le monde du luxe. En quelques années, les groupes vont déposséder les familles de leur patrimoine et introduire une notion de profit pour les actionnaires et de rentabilité financière accrue au sein des marques.

Article publié dans le Journal Suisse d'Horlogerie n°136, septembre 2012 (édition spéciale salon EPHJ-EPMT-SMT)




jeudi 12 janvier 2012

Lapidaires et diamantaires du Haut Jura


Le maillon manquant des manufactures horlogères

La naissance de l’horlogerie suisse liée à l’arrivée du réformateur Jean Calvin, a fait parler d’elle. Alors que les huguenots viennent peupler Genève pour en faire une grande cité, l’histoire des genevois catholiques fuyant l’austérité calviniste est rarement évoquée. Parmi ces catholiques, se trouvaient des tailleurs de pierres précieuses appelés lapidaires.

Genève :

Ainsi dans un premier temps, il s’agit du maillon manquant à l’histoire des genevois. Au XVIème siècle, la ville du bout du lac est un carrefour européen. Draperies et orfèvres des Flandres affluent en quantité, les premières horloges apparaissent avec les serruriers germaniques, alors que l’or et l’argent arrivent des Amériques par l’Espagne. Les mets de la gastronomie française, se négocient tout proche en Bourgogne et dans les foires de Champagne. Enfin, épices en tout genre et pierres précieuses affluent d’Orient via Venise. Il se développe une certaine prospérité, profitant au clergé, aux riches marchands et bourgeois de la cité.

Inutile de préciser qu’en 1533, Calvin va bouleverser ce mode de vie. En peu de temps, Genève s’impose en Rome protestante. Cette histoire, beaucoup la connaissent et tous les horlogers la racontent. L’austérité liée à l’extrémisme religieux nuit gravement au principal péché des genevois : la luxure. Alors joailliers s’associent aux horlogers. Les pierres ornent les montres, objets utilitaires avant tout. D’autres refusant d’abjurer leur religion, quittent la cité, entraînant avec eux des lapidaires. Ainsi, bijoutiers, horlogers et lapidaires catholiques se retrouvent unis sur les routes de l’exil.

Haut Jura, la terre propice :

Alors que Genève devient la championne du protestantisme, Saint Claude dans ses montagnes, reste un haut lieu de pèlerinage catholique. C’est tout naturellement que les immigrés catholiques genevois, prennent la voix du Jura, fuyant l’austérité calviniste. Entre 1550 et 1650, l’immigration des genevois participe à l’une des grandes périodes de peuplement du massif.

L’artisanat local de tournage sur bois pour la fabrication de petits objets de piété, fait des hauts jurassiens des gens très minutieux. Cela constitue un terreau fertile pour l’horlogerie qui se répand facilement. Et avec elle, toutes les activités annexes comme le lapidaire.

La révocation de l’édit de Nantes donne un coup de pouce supplémentaire à la profession, jetant de France la majorité des membres de la corporation des lapidaires-diamantaires, composée essentiellement de juifs et de protestants. Bon nombre d’entre eux viendront se réfugier à Genève, redynamisant ainsi l’activité lapidaire du Jura, restée très liée à Genève et ses horlogers. C’est ainsi qu’en 1670 l’aventurier protestant Tavernier, joaillier de Louis XIV, vient s’établir à Aubonne au pied du Jura. C’est à lui que l’on attribue la découverte de l’un des plus célèbres diamants du monde, le Hope que l’on retrouve quelques siècles après, dans le film Titanic.

En 1704 le bâlois Nicolas Facio donne de nouvelles perspectives aux lapidaires jurassiens. Il invente le contre pivot de montre en rubis. Suite à cette découverte, en 1712 Joseph Guignard devient le premier lapidaire de la Vallée de Joux qui comptera jusqu’à 50 pierristes en 1749.

Parallèlement, en 1735 un dénommé Michaud taille des pierres à Lamoura, petit village en continuité de la Vallée de Joux, coté français. Pourtant les premiers lapidaires du Haut Jura n’arrivent pas de la Vallée de Joux. Ils viennent du pays de Gex en remontant la vallée de la valserine.

Au siècle des Lumières les philosophes aident au développement de l’activité. Rousseau conduira une colonie de lapidaires, du pays de Gex jusqu’en Perse. Quand à Voltaire à Ferney, il pose beaucoup de problèmes aux horlogers genevois en créant sa manufacture royale. Ce n’est pas sans raisons que Genève face à cette concurrence, ferme ses frontières, asphyxiant littéralement l’activité horlogère du pays de Gex. Voltaire perd la bataille et les lapidaires continuent leur route sur les pentes du Jura. Ils s’orientent désormais vers Paris et ses joailliers.

C’est à cette période que l’on passe d’un travail salarié à un travail indépendant qui s’exécute désormais dans les fermes. Cette activité annexe devient un complément de revenu pour les paysans durant les longs hivers. Alors que les paysans neuchâtelois fabriquaient des montres derrière leurs fenêtres, les hauts jurassiens taillaient des pierres précieuses.

L’activité se développe et prospère durant tout le XIXème siècle, donnant naissance à des dynasties de négociants lapidaires, tels que les Dalloz à Septmoncel. Les dames s’habillent à la mode parisienne si bien que ce petit village prend le surnom de Paris du Jura. Mais la route n’est pas encore terminée. Les établis rustiques des paysans ne permettent pas de tailler l’ultime pierre précieuse : le diamant !

Eugène Goudard originaire de Divonne cherche justement une activité plus lucrative. Tout en récupérant les techniques de travail des lapidaires, il s’entoure de quelques anversois et apporte les additions techniques nécessaires permettant de tailler cette pierre jusqu’à 140 fois plus dure qu’un rubis. En 1878, il installe sa taillerie aux portes de Saint-Claude dans un village qui porte aujourd’hui le nom de Montbrillant. L’activité diamantaire se développe, proche des cours d’eau qui fournissent l’énergie nécessaire à la taille du diamant. La vitesse de rotation des meules est bien plus élevée que chez les lapidaires. L’arrivé

e des nouvelles idées sociales avec l’industrialisation, favorise la création de nombreux ateliers coopératifs au début des années 1900, laissant une trace encore bien visible de nos jours à Saint-Claude, tant au niveau des idées que sur un plan architectural.


Techniques et inventions, moteur de l’activité :

Les premiers à tailler des pierres seraient vraisemblablement des flamands ou des italiens dés le XVème siècle. Chaque pierre dispose d’une taille faisant ressortir au maximum son éclat. La taille « brillant » avec ses 57 facettes, est la plus rependue. Les angles et les inclinaisons des facettes ont été savamment étudiés des siècles durant par les joailliers.

Comme le prouve la découverte de Nicolas Facio, l’avancée des sciences et des techniques est propice au développement de l’activité. Suite à l’invention du bâlois, le contre pivot de montre en rubis sera produit en quantité dans les différentes vallées du Jura. A la fin des années 1800, le petit village de Lajoux occupe 200 pierristes dans son usine.

En 1758 l’alsacien George Frédéric Stras est joaillier du roi de France. En mélangeant silice, oxyde de plomb et oxyde métallique dans les proportions adéquates, il obtient de bonnes imitations de pierre et donne une nouvelle matière à travailler pour les lapidaires jurassiens. Le second « S » du strass arrivera quelques années après, lorsque le sanclaudien Martin Lançon améliore la technique.

Enfin en 1902, un chimiste du nord de la France arrive à reconstituer une pierre disposant des mêmes propriétés que les pierres naturelles. Ces pierres synthétiques vont se diffuser dans le Jura et favoriser l’industrialisation de l’activité. A Septmoncel, Mr Edouard Grossiord en profite pour inventer, un instrument permettant de tailler plusieurs pierres à la fois. Le brevet sera déposé peu de temps après, mais sous le nom de Pernier.

Un savoir-faire en voix de disparition ?

De nos jours l’activité de lapidaires-diamantaires est réduite à peau de chagrin. Ebranlé par deux conflits et la crise de 1929, les jurassiens ne voient plus le lapidaire comme un métier d’avenir. La concurrence accrue des pays à faible coût de main d’œuvre n’arrange rien, d’autant plus quand ces pays se trouvent être les pays producteurs de bruts. Ainsi les centaines de milliers de lapidaires en Thaïlande, au Viêt-Nam et au Sri Lanka, ont eut raison des quelques milliers de lapidaires Jurassiens.

Quand au diamant, une pierre d’un carat taillée pendant plusieurs heures afin d’obtenir les 57 facettes traditionnelles, ne se vend pas assez cher sur le marché mondial pour permettre de payer les heures de l’ouvrier diamantaire jurassien. Les diamantaires sanclaudiens ont ainsi abandonné la taille qu’ils sous traitent désormais, pour ne pratiquer que le négoce des pierres.

Dans ce contexte peu favorable, quelques résistants subsistent. Des artisans limitent les intermédiaires en fabriquant et en commercialisant eux-mêmes leurs produits. Des petites entreprises se spécialisent et utilisent cette longue expérience au profit de la précision, très appréciée des grandes marques joaillières ou les horlogers. D’autres encore ont fait le choix de la diversification comme la société Dalloz à Septmoncel qui produit des pierres synthétiques et des verres saphir pour les montres.

L’activité survie dans le territoire historique des lapidaires jurassiens. Mais pour combien de temps encore ? A l’heure des manufactures horlogères intégrées où l’on trouve émailleurs, graveurs et sertisseurs les uns aux cotés des autres, il reste très rare de rencontrer des lapidaires, même si certaines marques n’hésitent pas à exhiber de vieux établis dans les couloirs de leur entreprise. Sans vouloir réanimer le débat sur la faisabilité d’un 100% « swiss made », il serait en tous cas possible grâce aux lapidaires du Haut Jura, d’imaginer un 100% « manufacturé dans le Jura », participant ainsi à la préservation d’un savoir-faire et d’une tradition, tout en solidifiant la renommée de l’arc jurassien.

Article publié dans le magazine Heure Suisse

mercredi 2 novembre 2011

Viséum, Musée de la lunette



Viséum, Musée de la lunette (Musée de France), Jura, Morez
(cliquer sur le certificat pour l'agrandir)

mardi 14 septembre 2010

Musée de la lunette à Morez


Le conservatoir lunetier

Perdu au cœur des montagnes industrie
uses du Jura, le Musée de la Lunette n’en a pas moins trouvé sa place. Au XIX ème siècle, Morez devançait Londres et Paris en matière de fabrication lunetière, atteignant des productions pouvant aller jusqu’à 12 millions de montures pas an. Fière de ce passé prestigieux, la petite ville jurassienne est plus que jamais, la cité des lunetiers.



Inauguré en 2003 par le ministre des finances M. Bâtiment, le Viséum à été réalisé par les architecte Gill Rachardt et Gill Fereux de Lons-le-Saunier

Héritière d’une longue tradition du travail du métal :

A l’origine, rien ne prédestine « La Combe Noire » à devenir un pôle industriel majeur. Les hommes s’y installent cependant au XVI ème siècle, attirés par la Bienne. Véritable artère pulmonaire de la ville, ce cours d’eau va des générations durant, fournir l’énergie nécessaire aux moulins et ateliers moréziens. La proximité des forges de Syam, va favoriser l’installation de forgerons dans ce qui n’est encore qu’un village. De ces forges, sortiront des clous par millier, constituant ainsi la première industrie morézienne. Avec l’arrivée des genevois catholiques, et l’influence des Ducs de Bourgogne, l’horlogerie va se répandre et avoir son heure de gloire. L’horloge comtoise reste de nos jours le symbole de cette réussite. Cependant, c’est d’un clou que naquit la première monture de lunette jurassienne en 1796. Le maître cloutier Pierre Hyacinthe Cazeaux jette, sans le savoir, les bases d’une industrie, qui sera l’héritière des savoir-faire et activités précédentes. De l’étampage au finissage, bon nombre de termes et de machines sont issues de l’horlogerie. En 1820 un certain Lamy viendra parfaire l’organisation de cette industrie en créant l’atelier hydraulique de type morézien qui restera le modèle prédominant jusque dans les années 1960. A la fin du XIX ème siècle, Morez est le premier centre mondial de production de lunettes.

Un musée intégré dans sa filière :

Lors de son inauguration en 2003, le Viseum constitue le dernier maillon de la filière lunetière. Ainsi, Morez devient un centre industriel complet avec ses lunetiers, son école technique et son espace muséal. Ce dernier abrite une collection d’objets optiques considérable qui s’illustre dans diverses thématiques. Un espace interactif et scientifique a été réalisé en collaboration avec l’Ecole Nationale d’optique. Il permet des se familiariser avec le fonctionnement de l’œil et de différencier avec simplicité les différentes amétropies. Viennent ensuite les parties historiques, dont la principale est dédiée aux Moréziens. Cet espace retrace les origines de la lunetterie et présente les techniques et les spécificités du travail des lunetiers jurassiens. Projections, témoignages de lunetiers ainsi qu’un espace réservé à la formation professionnelle et à son Lycée National, accompagnent le tout. La suite de l’exposition, plus universelle, retrace l’histoire de l’optique des origines à nos jours. La collection ESSILOR-Pierre Marly représente la colonne vertébrale de l’exposition. De l’astronomie à l’infirment petit, cet ensemble présente des objets d’une richesse artistique remarquable. En partant de la longue vue de Marie de Médicis, jusqu’au face à main Belle Epoque de Sarah Bernhardt, en passant par l’extraordinaire collection de lorgnettes, l’exposition nous promène aux quatre coins du monde et au delà, dans l’espace. Cette exploration se termine par la présentation de lunettes contemporaines. Aux cotés des créations d’André Courrège, le design de Pierre Marly, à qui l’on doit cette collection, côtoie les nouveautés que l’on retrouve dans les différents salons de design lunetiers. A Paris, Milan, Tokyo ou New York, comme au Musée de la Lunette, le design et les techniques innovantes des lunetiers jurassiens et internationaux sont à l’honneur. Lors de ces concentrations de professionnels, la conservatrice Tiphaine Le Foll, va à la rencontre des lunetiers du monde entier, afin de poursuivre le travail de Pierre Marly et de donner une dimension plus internationale à ce conservatoire lunetier. Dans cette optique, les différents partenariats établis avec les acteurs de la filière, permettent d’agrandir les collections et de conserver un lien primordial avec la branche. En ce qui concerne les lunetiers jurassiens, chaque nouveau modèle produit ou primé dans l’un de ces salons est intégré d’office dans les réserves du musée. Cet automatisme place le musée en partenaire incontournable et Tiphaine Le Foll tente de l’appliquer aux lunetiers étrangers.

Perspectives d’avenir ambitieuses :

Pour le futur, le Musée de la lunette vise haut. Certes, la ville de Morez semble bien placée pour rester la référence muséale en matière de lunetterie, cependant la satisfaction ne sera pas à son comble tant que toutes les possibilités n’auront pas été exploitées. Ainsi, la poursuite des collections d’une part, notamment en matière de design, a pour but de faire du Musée de la Lunette de Morez une sorte de MoMA lunetier. D’autre part, le prochain projet scientifique et culturel du musée, mettra l’accent sur la vision, la couleur et la lumière, histoire de parfaire l’offre et de pousser un peu plus loin la recherche dans le domaine de l’histoire des sciences.

Article publié dans le magazine Histoire d'Entreprise n°8 :





jeudi 10 décembre 2009

Exposition du MEG : la Musique dans le temps

L’air du temps

Ce serait Boris Vian qui aurait inventé « le tube » dans les années 50 ; une chanson vide de sens qui ressemble à toutes les autres mais qui cependant nous hante jusqu’à devenir la bande-son de notre vie, commémorant un moment passé, un vécu.
Entre ces airs contemporains et la musique traditionnelle, il y a tout un monde. L’exposition du Musée d’Ethnographie de Genève « L’air du temps », propose quelques pistes de réflexion insolites concernant cet univers. La musique apparaît ainsi à la fois comme l’image de la société et le produit de la culture.

Les travaux de recherche de l’ancien conservateur ethnomusicologue du MEG, Constantin Brailoiu, servent de pivot à l’exposition. Les archives sonores qu’il a récoltées tout au long de sa vie, sont venues alimenter le fond d’Archives Internationales de Musique Populaire (AIMP). Remises en état dans les années 80, ces archives sonores sont disponibles sur informatique dans l’exposition mais également chez soi par le biais d’internet. Ces prises de son permettent de découvrir les musiques traditionnelles de tous les pays du monde, du célèbre cor des alpes suisse en passant par la vièle tzigane et les tablas d’Inde.
En plus de cela « L’air du temps » évoque les défis que soulèvent la constitution, la conservation et la valorisation d’archives musicales. Elle aborde également de manière plus large, les grandes questions de l’identité et de la mémoire à l’ère de la mondialisation.

Témoignage de la diversité culturelle, l’exposition révèle le rapport intime et universel que la musique entretient avec les émotions. Le visiteur est invité à s’immerger dans un univers sonore soumis aux influences les plus diverses. Le monde change et à son image, les musiques se transforment, s’adaptent aux circonstances pour répondre à nos besoins et à nos attentes. Où se situe alors l’authenticité d’une musique ? Dans son respect des formes anciennes ? Dans ses pouvoirs et les effets qu’elle produit sur ses auditeurs ? Ou simplement dans les intentions de ses interprètes ? Quoiqu’il en soit, la musique reste l’un des faits humains les plus universels.

En allant au MEG avant la fin de l’année, la scénographie remarquable de l’exposition « L’air du temps » vous apportera sans aucun doute des réponses à vos questions concernant la musique. Et sur le chemin, n’hésitez pas à faire un détour par les masques africains de l’exposition voisine.

Accès aux archives sonores du fonds Brailoiu : http://www.ville-ge.ch/meg/musinfo_ph.php

Mies Van Der Rohe et l'Architecture Moderne


L’Architecture Moderne : réponse à la surpopulation de la planète et coupable des cités HLM.

Au début du XX ème siècle un nouveau courrant artistique voit le jour ; le Modernisme a laissé beaucoup de traces dans l’architecture de l’époque et aussi actuelle. A l’époque il s’agissait d’une réflexion et d’une recherche d’avant garde menée par certains hommes pour résoudre les problèmes de la société future. De ces hommes, les architectes ont eu une grande importance et ont apporté des réponses aux problèmes d’urbanisme lié à l’accroissement de la population. Parmi ces hommes, l’un d’entre eux se nommait Mies Van Der Rohe.
Selon cet allemand qui représentera l’une des figures de proue de l’Avant-Garde berlinoise et européenne, il ne fallait pas que l’architecture moderne se borne à utiliser des matériaux et des techniques de son temps. Sa mission était d’envisager une architecture correspondant aux nouveaux matériaux mais aussi aux besoins des hommes.

En 1927, l’architecte met en place ses préceptes. Imaginez-vous une ville expérimentale, entièrement construite par des architectes de la mouvance moderne et minutieusement choisis par Mies en personne. Une cité construite dans le but de faire accepter les idées de l’Architecture Moderne, d’expérimenter les nouveaux matériaux, au service de ses habitants hypothétiques. Ce quartier fut bel et bien construit lors d’une exposition architecturale dont Mies avait la responsabilité à Stuttgart.
La cité du Weißenhof fut pensée dès 1925 par le Deutscher Werkbund. Mies est alors le vice-président de cette association d'artistes pour la promotion de l'innovation dans les arts appliqués et l'architecture. Il reçoit la direction artistique de l’exposition. Intitulée « le logement », celle-ci rassembla plusieurs représentants de la Nouvelle Architecture de différents pays. Parmi eux, Gropius, Behrens et Le Corbusier étaient présent et chacun des participants avait la responsabilité de construire un édifice.

Au sommet de la colline qui accueillait l’exposition, Mies fit construire un immeuble d’habitation long et étroit, qui se distinguait par une construction à ossature d’acier. Ce système constructif, dissociant les parois intérieures de la structure porteuse, devait permettre d’utiliser des cloisons mobiles et donc de faire varier le plan des appartements. Les murs extérieurs étaient construits en blocs de béton. En marge de l’exposition, Mies exposa également son « Espace de verre » qui reprend les principes de son immeuble d’habitation mais avec des parois en verre. On retrouve le mélange de ces deux techniques dans ses réalisations américaines comme le Seagram Building à New York.

L’aspect novateur de cette exposition va se heurter à l’opposition conservatrice de la ville de Stuttgart. La cité, avec ses formes géométriques, dénuées de tout ornement, ses toitures plates et ses murs blancs, suscitera de vives réactions se voyant qualifier de « ville arabe » ou encore de « caserne bolchevique ». Pour les architectes locaux, le pouvoir croissant des modernistes au sein du Werkbund constituait une menace pour la culture et la tradition allemande. Cependant, le radicalisme culturel berlinois avait fait son entrée dans le milieu conservateur de la ville de Stuttgart, et l’exposition eut un succès retentissant. Elle contribua fortement à la percée de Mies qui apparu sur la scène internationale comme l’un des pionniers et théoriciens de l’architecture d’avant-garde.
Aujourd’hui les traces de l’avant-gardiste Mies Van Der Rohe se retrouvent dans les gratte-ciel de verre à ossature d’acier, mais aussi dans les barres d’immeubles HLM appelées péjorativement « cage à lapin ». Cette déviance du modernisme peut être vue comme un échec des préceptes de Mies et du mouvement qu’il représentait. Ce courrant qui avait pour but d’apporter des solutions aux problèmes d’urbanisme en améliorant les conditions de vie de la population, a trouvé en partie des réponses, mais sa réussite reste incomplète. On peut voir dans cet échec, le besoin de la population actuel à accéder à la propriété et au logement individuel avec son espace de vie intérieur, mais aussi son espace extérieur, avec sa terrasse et son lopin de terre pour y faire son jardin ou y mettre sa piscine. Ainsi avec les gratte-ciel, la question de la verticalité semble avoir été résolue, reste à résoudre le problème du refus de l’habitat collectif, trop souvent synonyme de mauvaises conditions de vie.