mardi 14 septembre 2010

Musée de la lunette à Morez


Le conservatoir lunetier

Perdu au cœur des montagnes industrie
uses du Jura, le Musée de la Lunette n’en a pas moins trouvé sa place. Au XIX ème siècle, Morez devançait Londres et Paris en matière de fabrication lunetière, atteignant des productions pouvant aller jusqu’à 12 millions de montures pas an. Fière de ce passé prestigieux, la petite ville jurassienne est plus que jamais, la cité des lunetiers.



Inauguré en 2003 par le ministre des finances M. Bâtiment, le Viséum à été réalisé par les architecte Gill Rachardt et Gill Fereux de Lons-le-Saunier

Héritière d’une longue tradition du travail du métal :

A l’origine, rien ne prédestine « La Combe Noire » à devenir un pôle industriel majeur. Les hommes s’y installent cependant au XVI ème siècle, attirés par la Bienne. Véritable artère pulmonaire de la ville, ce cours d’eau va des générations durant, fournir l’énergie nécessaire aux moulins et ateliers moréziens. La proximité des forges de Syam, va favoriser l’installation de forgerons dans ce qui n’est encore qu’un village. De ces forges, sortiront des clous par millier, constituant ainsi la première industrie morézienne. Avec l’arrivée des genevois catholiques, et l’influence des Ducs de Bourgogne, l’horlogerie va se répandre et avoir son heure de gloire. L’horloge comtoise reste de nos jours le symbole de cette réussite. Cependant, c’est d’un clou que naquit la première monture de lunette jurassienne en 1796. Le maître cloutier Pierre Hyacinthe Cazeaux jette, sans le savoir, les bases d’une industrie, qui sera l’héritière des savoir-faire et activités précédentes. De l’étampage au finissage, bon nombre de termes et de machines sont issues de l’horlogerie. En 1820 un certain Lamy viendra parfaire l’organisation de cette industrie en créant l’atelier hydraulique de type morézien qui restera le modèle prédominant jusque dans les années 1960. A la fin du XIX ème siècle, Morez est le premier centre mondial de production de lunettes.

Un musée intégré dans sa filière :

Lors de son inauguration en 2003, le Viseum constitue le dernier maillon de la filière lunetière. Ainsi, Morez devient un centre industriel complet avec ses lunetiers, son école technique et son espace muséal. Ce dernier abrite une collection d’objets optiques considérable qui s’illustre dans diverses thématiques. Un espace interactif et scientifique a été réalisé en collaboration avec l’Ecole Nationale d’optique. Il permet des se familiariser avec le fonctionnement de l’œil et de différencier avec simplicité les différentes amétropies. Viennent ensuite les parties historiques, dont la principale est dédiée aux Moréziens. Cet espace retrace les origines de la lunetterie et présente les techniques et les spécificités du travail des lunetiers jurassiens. Projections, témoignages de lunetiers ainsi qu’un espace réservé à la formation professionnelle et à son Lycée National, accompagnent le tout. La suite de l’exposition, plus universelle, retrace l’histoire de l’optique des origines à nos jours. La collection ESSILOR-Pierre Marly représente la colonne vertébrale de l’exposition. De l’astronomie à l’infirment petit, cet ensemble présente des objets d’une richesse artistique remarquable. En partant de la longue vue de Marie de Médicis, jusqu’au face à main Belle Epoque de Sarah Bernhardt, en passant par l’extraordinaire collection de lorgnettes, l’exposition nous promène aux quatre coins du monde et au delà, dans l’espace. Cette exploration se termine par la présentation de lunettes contemporaines. Aux cotés des créations d’André Courrège, le design de Pierre Marly, à qui l’on doit cette collection, côtoie les nouveautés que l’on retrouve dans les différents salons de design lunetiers. A Paris, Milan, Tokyo ou New York, comme au Musée de la Lunette, le design et les techniques innovantes des lunetiers jurassiens et internationaux sont à l’honneur. Lors de ces concentrations de professionnels, la conservatrice Tiphaine Le Foll, va à la rencontre des lunetiers du monde entier, afin de poursuivre le travail de Pierre Marly et de donner une dimension plus internationale à ce conservatoire lunetier. Dans cette optique, les différents partenariats établis avec les acteurs de la filière, permettent d’agrandir les collections et de conserver un lien primordial avec la branche. En ce qui concerne les lunetiers jurassiens, chaque nouveau modèle produit ou primé dans l’un de ces salons est intégré d’office dans les réserves du musée. Cet automatisme place le musée en partenaire incontournable et Tiphaine Le Foll tente de l’appliquer aux lunetiers étrangers.

Perspectives d’avenir ambitieuses :

Pour le futur, le Musée de la lunette vise haut. Certes, la ville de Morez semble bien placée pour rester la référence muséale en matière de lunetterie, cependant la satisfaction ne sera pas à son comble tant que toutes les possibilités n’auront pas été exploitées. Ainsi, la poursuite des collections d’une part, notamment en matière de design, a pour but de faire du Musée de la Lunette de Morez une sorte de MoMA lunetier. D’autre part, le prochain projet scientifique et culturel du musée, mettra l’accent sur la vision, la couleur et la lumière, histoire de parfaire l’offre et de pousser un peu plus loin la recherche dans le domaine de l’histoire des sciences.

Article publié dans le magazine Histoire d'Entreprise n°8 :